SIGILLOGRAPHIE

SIGILLOGRAPHIE
SIGILLOGRAPHIE

La science des sceaux a des aspects extrêmement variés et constitue une discipline autonome puisqu’elle n’entre dans aucun cadre classique.

Le sceau est une excellente introduction documentaire à des sujets très variés: successions féodales, croisades, insurrections communales, institutions politiques ou juridiques.

Il apparaît que jamais le symbole représenté n’est choisi au hasard, mais qu’il exprime l’essence même du rôle social du personnage ou de l’institution, et que le sceau, s’il est souvent une œuvre d’art, fait partie intégrante de l’histoire sous toutes ses formes et à tout moment.

L’humanisme du sceau

Le sceau est le garant de la parole donnée: aucun traité de paix, aucune convention entre les peuples n’ont jamais été faits sans l’apposition solennelle du sceau de l’État; au-delà des signatures de plénipotentiaires, au-delà des signatures et des cachets des ministres ou des souverains, le sceau d’une nation engage tous ses citoyens. Pour les particuliers, le sceau apposé sur un contrat rappelle, en temps voulu, l’engagement pris; il est toujours facile de promettre un paiement lorsque l’échéance est lointaine: le jour venu, la tentation est forte de renier sa signature. Pendant des millénaires le sceau a servi de preuve: il a également permis de clore et de marquer la possession; ces deux derniers aspects survivent dans l’institution des scellés et dans l’emploi des marques de fabrique.

C’est au Moyen Âge, en Occident, que l’usage du sceau a connu son plus brillant essor. Si la critique des chartes est souvent facilitée par l’examen de l’empreinte de cire qui y est appendue, l’histoire des princes, celle des peuples peuvent se lire à travers les sceaux originaux ou leur reproduction. Aucune représentation, en effet, n’est indifférente. Si le roi est figuré assis en juge, «en majesté», c’est que sa prééminence essentielle réside dans l’«appel» que tout sujet peut faire à sa juridiction supérieure. Si le seigneur est à cheval et en armes, c’est que son rôle dans la société féodale est de servir son suzerain et de protéger son vassal. Si le maire veille aux murs, c’est que la commune doit vivre libre ou mourir.

Technique du sceau

Matériau dur gravé en creux, matériau tendre qui en reçoit l’empreinte, telle est la définition classique du sceau sous sa double forme, matrice et exemplaires identiques qui en sont issus.

Les types de matrices

À l’aube de toute civilisation se trouve le sceau ou, d’une façon plus générale, un signe matériel, tangible de l’engagement pris, du contrat conclu.

Le Moyen-Orient, creuset de la culture occidentale, employait le sceau de pierre au IVe millénaire avant J.-C., puis le cylindre-sceau et le cachet de métal. Les cylindres-sceaux étaient déroulés sur l’argile des tablettes ou sur les bords des enveloppes également d’argile pour les clore, pour établir l’origine et authentifier ce qui était consigné dans le texte.

La Bible contient le mot sceau maintes fois. Nulle part il n’est employé avec plus de poésie que dans le Cantique.

Les chatons des bagues-scarabées égyptiennes étaient gravés sur leur face interne et pouvaient pivoter sur leur axe pour servir de sceau.

Les Crétois scellaient également avec des cachets. Les potiers, dans une pratique voisine, marquaient leurs œuvres de textes en relief qu’ils imprimaient dans l’argile fraîche.

Les Romains héritèrent des Grecs, entre autres techniques artistiques, l’art de la glyptique: parfois des camées, en relief, ont été imprimés sur la cire en guise de sceaux.

Les chancelleries byzantines ont utilisé un appareil en forme de pince pour imprimer le plomb: ce métal a connu un grand succès, puisque la « bulle » de plomb des papes a donné son nom au document, tandis qu’en français l’on dit encore «wagon plombé», «compteur plombé» pour scellé.

Les Mérovingiens, habiles à couler le métal et à travailler les bijoux, ont employé des «anneaux sigillaires» en or ou en bronze. L’exploration des tombes de cette époque en met fréquemment au jour.

Les Carolingiens, par fidélité à l’Antiquité classique, remirent en faveur la pierre gravée enchâssée dans une bague. Des études récentes montrent que ces pierres n’étaient pas toujours antiques: le Jupiter Sérapis de Charlemagne l’était peut-être; les bustes de Charles le Chauve furent, au contraire, gravés par des artistes contemporains.

Lorsque le chaton de la bague s’amplifie, pour ne plus représenter seulement la tête ou le buste, mais le roi vu à mi-corps ou assis sur un trône, il se détache de l’anneau et devient en France, sous les premiers Capétiens, un sceau dans toute l’acception du terme. Ce sceau matrice est alors muni d’organes de préhension et de suspension. Soigneusement gardé pendant sa période d’utilisation, il est souvent détruit à la mort de son titulaire ou placé dans sa tombe.

Matière et forme des empreintes

L’argile, la cire, le plomb, exceptionnellement l’or, sont les matériaux employés depuis six mille ans. On ne saurait énumérer toutes les formes prises, pendant une si longue période et dans tant de pays, par les sceaux; quelques exemples donneront une idée de leur variété. L’argile a servi pour sceller des jarres. La cire d’abeille a été utilisée pendant deux mille ans environ, jusqu’à ce que les résines végétales, venues d’Amérique, permettent la fabrication de la cire d’Espagne. Le plomb, dont l’emploi domine à Byzance et à la chancellerie pontificale, a été utilisé occasionnellement par des seigneurs et dignitaires ecclésiastiques méridionaux aux XIIe et XIIIe siècles.

Des sceaux d’or ont été frappés sous certains empereurs germaniques. Par contre, la célèbre bulle d’or d’Henri VIII d’Angleterre n’est pas à proprement parler un sceau; il s’agit d’une œuvre d’orfèvrerie et non d’un exemplaire issu parmi d’autres d’une même matrice.

En France, du VIe au XIe siècle, les sceaux furent plaqués sur les papyrus ou sur les parchemins. En France, sporadiquement à partir de Louis VI le Gros (1108-1137) et de manière continue à partir de Louis VII, et un peu plus tard en Allemagne, les sceaux deviennent pendants. Les lacs de suspension sont d’abord de cuir «chromé», puis en soie, en parchemin ou en chanvre. À partir du XIVe siècle, les sceaux ou signets des particuliers sont de nouveau plaqués sur papier, de préférence au parchemin auquel ils adhèrent mal. L’usage des bagues cachets n’a pas entièrement disparu de nos jours.

Des services sigillographiques s’occupent dans nombre de pays de la protection, du moulage et de la restauration des sceaux. L’altération de ces fragiles monuments avec le temps est inévitable (ce qui justifie l’intérêt qu’ils suscitent); mais elle est heureusement fort lente. Il serait souhaitable que soit créée une organisation internationale chargée de rassembler les sceaux.

Utilisation scientifique du sceau

Depuis le XVIIe siècle, en France d’abord, dans les pays limitrophes ensuite, des études systématiques ont été entreprises. Considérée à l’origine comme un chapitre de l’étude des diplômes ou chartes anciennes, la sigillographie prétend au titre de science fondamentale en raison des enseignements qu’elle apporte.

La critique d’un document scellé comporte, de nos jours comme autrefois lorsqu’il était contesté en justice, l’examen attentif, l’expertise du sceau. S’il est authentique, l’acte l’est aussi; suspect ou décidément faux, il ouvre aux érudits des perspectives encore plus attirantes sur les circonstances dans lesquelles cette forgerie fut faite. Il en est de même des matrices: si elles sont vraies, ce sont d’émouvants témoins; si elles sont des surmoulages, elles permettent de connaître le type du sceau original qui a servi à les faire.

Plus que la succession des souverains ou des princes, ce que l’on attend des sceaux, c’est une connaissance authentique de la vie de nos ancêtres. L’apparition des bailliages ou des sénéchaussées, des châtellenies, des prévôtés, juridictions administratives ou judiciaires qui conditionnent tout le quotidien; la distinction entre sceau privé et sceau authentique, et le développement de la juridiction gracieuse; la capacité de la femme mariée jouissant ou non d’un sceau personnel, autant de questions qui méritent d’être éclairées.

La philologie pourrait tirer parti des légendes des sceaux. L’histoire de l’art et l’archéologie n’ont encore fait qu’effleurer le sujet: urbanisme, architecture militaire, civile, religieuse; navigation; exercice des métiers; armement des chevaliers; bannières, étendards, flammes, pennons; race des chevaux, façon de monter, étriers et éperons; évolution de la lance, de l’épée, du casque, du bouclier; oiseaux et chiens de chasse; costume et insignes royaux, couronne, sceptre, main de justice, trône d’architecture, siège en X avec protomés d’animal. L’énumération pourrait continuer avec le costume féminin et ecclésiastique, le bestiaire et la flore représentés dans les sceaux, et, toujours, quel que soit le scepticisme initial, il faut bien reconnaître que le sceau ne peut ni se tromper ni nous tromper: «nec fallit nec fallitur », écrivaient les érudits du XVIIe siècle.

Le sociologue pourrait étudier les sceaux au même titre que les armoiries: la dimension, pour être régie par des lois tacites, n’en est pas moins rigoureusement proportionnée au rang social du titulaire. Personne, sur ce point, n’ose contrevenir à l’usage. Pour être plus rares que les armes parlantes, les motifs gravés en rapport direct avec le nom du titulaire sont assez fréquents dans les sceaux des bourgeois ou même des grands seigneurs, tels le char des Carrare et les rats de la ville d’Arras.

sigillographie [ siʒilɔgrafi ] n. f.
• 1851; du lat. sigillum « sceau » et -graphie
Didact. Étude scientifique des sceaux, et spécialt des sceaux de chartes médiévales. Adj. SIGILLOGRAPHIQUE , 1853 .

sigillographie nom féminin (du latin sigillum, sceau) Science auxiliaire de l'histoire, qui a pour objet l'étude des sceaux. (Elle concerne principalement les sceaux du Moyen Âge.) ● sigillographie (synonymes) nom féminin (du latin sigillum, sceau) Science auxiliaire de l'histoire, qui a pour objet l'étude des...
Synonymes :

⇒SIGILLOGRAPHIE, subst. fém.
Science auxiliaire de l'histoire, ayant pour objet l'étude, la description et l'interprétation des sceaux historiques. Synon. sphragistique. Des exemples, de préférence récents, montreront l'utilité de la sigillographie et l'immense filon inexploité qu'elle représente, non seulement pour la généalogie ou l'héraldique, mais pour l'histoire de l'armement, de la navigation, de l'habillement et de l'ameublement et, d'une façon plus générale, pour la connaissance exacte du style d'une époque (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 394).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. 1935. V. sigillé. Étymol. et Hist. 1851 (Avis preliminaire ds Abbé MIGNE, Dict. de Numism. et de Sigillographie relig., p. 10). Formé des élém. sigillo-, du lat. sigillum, sceau et -graphie.
DÉR. 1. Sigillographe, subst. Spécialiste de l'étude des sceaux, de la sigillographie. Quelques familles, où chaque membre eut un domaine important en héritage, constituent à elles seules un véritable panorama de l'évolution du sceau équestre. Le plus bel escadron est constitué par les comtes de Flandre, où l'un des premiers grands sigillographes, Olivier de Vree, de Bruges, a dénombré et fait graver en 1641 dans son précieux volume cent chevaux (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 417). []. V. sigillé. 1re attest. 1907 (FRANCE, Île ping., préf., p. 5); de sigillographie; cf. l'angl. sigillographer « id. » dep. 1882 ds NED. 2. Sigillographique, adj. Qui est relatif à la sigillographie. Le cartulaire de l'abbaye Saint-Germain-des-Prés contient trois chartes, l'une de Charlemagne, la seconde de Louis le Pieux, la troisième de Charles le Chauve, qui, de toute évidence sont des faux: la démonstration, appuyée sur l'analyse des caractères paléographiques, diplomatiques et sigillographiques, ne laisse pas de place au doute (MARROU, Connaiss. hist., 1954, p. 109). []. V. sigillé. 1re attest. 1853 (In titre: Particularités sigillographiques. R. archéologique, avr.-sept., p. 231 ds QUEM. DDL t. 13); de sigillographie, suff. -ique.
BBG. — QUEM. DDL t. 12.

sigillographie [siʒillɔgʀafi; siʒilɔgʀafi] n. f.
ÉTYM. 1852; de sigillo-, et -graphie.
Didact. Étude scientifique des sceaux (1., 2.), et, spécialt, des sceaux de chartes médiévales. || La sigillographie (ou sphragistique) et la numismatique, sciences annexes de l'histoire, de l'archéologie, de la diplomatique.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Sigillographe, sigillographique.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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